La livraison fluviale en pleine croissance en Ile-de-France

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à envisager la « logistique fluviale » même si cela oblige à revoir la logistique. En 2017, la Seine a vu le trafic augmenter de 5 % en 2017.
La livraison fluviale en pleine croissance en Ile-de-France

Auparavant, la Seine voyait surtout passer des barges chargées de matériaux et de déblais de chantier, quelquefois de produits céréaliers. Mais des denrées alimentaires beaucoup moins, sinon les conteneurs à destination des magasins Franprix, rodés au fleuve depuis maintenant 6 ans (lire ci-dessous).

A plus petite échelle, pas sur la Seine mais sur les canaux du nord-est parisien, on trouve quelques petites barges indépendantes comme celle de l'association « Marché sur l'eau », qui fait le pari depuis 2011 d'acheminer ses paniers locavores via le canal de l'Ourcq au bassin de la Villette (XIXe). Quant aux produits finis, si des distributeurs tâtent l'eau c'est encore très confidentiel : la livraison par voie fluviale est en pleine croissance, mais aussi en pleine expérimentation.

1 million de camions en moins sur les routes de la région

« De nombreuses entreprises sont désireuses de passer à la logistique fluviale », souligne une porte-parole des Ports de Paris-Haropa, (l'établissement public gestionnaire des installations portuaires et chargée du développement du trafic fluvial en Ile-de-France, NDLR), « mais cela nécessite de repenser totalement leur chaîne logistique, donc cela prend du temps ».

Ces derniers mois, Haropa-Ports de Paris accueille ainsi plusieurs expérimentations, qui pourraient alimenter le boom annoncé de la « logistique urbaine intrarégionale ». « En 2017, cette part du trafic de conteneurs (sur l'ensemble de la Seine) a augmenté de 14 % », précise la porte-parole. Le trafic francilien, lui, a cru de 5 %, tous trafics confondus (logistique urbaine, BTP...). « Cela fait plus de 1 million de camions en moins sur les routes d'Île-de-France, et rien que pour Paris cela représente environ 20 000 t et 35 bateaux de commerce chaque jour… »

Enorme ou pas assez ? « La capacité en termes de navigation fluviale est importante, mais il faut aussi les aménagements portuaires adaptés », rappelle la représentante d'Haropa.

Ikea installe un entrepôt au port de Gennevilliers

Il en existe actuellement deux : celui de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), et celui de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), où le groupe Ikea installe un entrepôt novateur à double étage. Ses 50 000 m2 approvisionneront Paris et l'Ouest francilien, et son accès direct aux infrastructures fluviales et ferroviaires du port devraient permettre au groupe de développer la livraison urbaine. Le futur magasin de la place de la Madeleine (IXe), qui doit ouvrir à l'été 2019, sera-t-il approvisionné par la Seine ? « S'affranchir des contraintes liées à la circulation pour approvisionner Paris grâce à la proximité de la Seine », était l'un des objectifs affichés par la direction d'Ikea en choisissant Gennevilliers. Pour autant « le projet logistique n'est pas encore finalisé », répond prudemment Haropa-Ports de Paris.

Les entreprises « désireuses de se lancer dans la distribution fluviale » doivent aussi compter avec les particularités de Paris, territoire contraint « où cette activité doit cohabiter avec la très importante activité de tourisme et de loisirs », rappelle la porte-parole. « Concilier tous les usages implique de faire preuve d'innovation et de créativité collective avec nos partenaires ». Dont les voies navigables de France, la mairie de Paris et la société du Grand Paris, dont les activités fluviales liées aux chantiers BTP ont grimpé de 16 % en 2017.

Tous les Franprix de la capitale déjà livrés par la Seine
La chorégraphie est réglée au cordeau, lancée chaque matin dès 5 heures et jusqu'en début d'après-midi. Sur le bitume, c'est le ballet des camions, dans l'air, celui d'un gigantesque lève-conteneurs : le « reach stacker », dont la mâchoire transbahute chaque énorme caisse métallique entre la barge et le plateau du poids lourd en attente.

Aussitôt chargé, aussitôt parti, la tournée peut commencer. Direction tous les quartiers de Paris, le plus tôt possible pour ceux où le trafic se densifie dès potron-minet. Cela dure plusieurs heures, jusqu'à déchargement complet des 800 t de produits secs embarqués sur la barge de 80 m.

Au total, 11 camions auront bouclé des rotations entre le port de la Bourdonnais (VIIe), à deux pas de la tour Eiffel, et les 300 magasins à livrer, pour la plupart dans Paris intra-muros, mais aussi un vingtaine à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

25 % d'émission de CO2 en moins

« Chaque camion parcourt une quarantaine de kilomètres par jour seulement, précise Stéphane Tuot, responsable de la logistique chez Franprix. A chaque tournée ce sont 20 palettes de produits secs, qui permettent d'approvisionner 2 à 4 magasins. L'objectif, c'est de réduire les distances au maximum. » Franprix ne finit pas encore ses livraisons au camion électrique mais « le parc a été renouvelé en 2016, avec un camion au gaz et les autres au diesel dernière génération, très peu polluant », assure le patron de la logistique.

Six ans après le lancement de la livraison des produits secs par voie fluviale, depuis son entrepôt de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), la filiale du groupe Casino savoure sa réussite : de 80 épiceries approvisionnées au début, l'ensemble de la capitale est aujourd'hui couvert. Y parvenir était la condition sine qua non pour rester compétitif et rentabiliser un transport fluvial plus écolo que la route, mais aussi plus coûteux. Défi relevé.

« Aujourd'hui cette logistique est à l'équilibre », se réjouit le responsable. Alors, à quand le frais ?

« Ce ne serait pas rentable ni écologiquement intéressant, explique Stéphane Tuot. Notre entrepôt de frais est à Gonesse (Val-d'Oise), cela impliquerait de gros trajets en camions pour arriver au fleuve, donc ce ne serait pas intéressant. » En se « contentant » des produits secs, acheminés chaque soir en 3 heures de navigation sur la Seine puis déchargés au petit matin, la filiale du groupe Casino permet déjà de faire l'économie de 420 000 km de route par an. « Pour chacune de ces caisses de 20 palettes, ce sont 10 000 km par an, et au total 25 % d'émission de CO2 en moins. »

 
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